Tobias Madison
L'Almanach 16 : Tobias Madison

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Consortium Museum
Curated by Stéphanie Moisdon
Tobias Madison, "L'Almanach 16," 2016, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
Tobias Madison, L'Almanach 16, 2016, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum

L’ensemble du projet de Madison est pris dans un mouvement historique fractal et incertain, ni utopique ni dystopique, que l’on dirait plutôt uchronique, c’est-à-dire qui autorise de multiples variations narratives, une ouverture sur des mondes possibles, à partir de points de divergences : comme si nous étions dans un temps avant l’orgie, avant l’effondrement mélancolique de la post-modernité. Dans un monde parallèle où tout reste à jouer, où la libération des forces productives et destructrices demeure une possibilité, où la reproduction indéfinie d’idéaux, de fantasmes, d’images, de rêves serait encore devant nous. Comme si nous pouvions refaire l’histoire de la pensée critique, des crises idéologiques, retracer le récit des révolutions sexuelles et contre-révolutions libertaires, donner à Marx et Fourier les moyens de réussir, oublier le non-événement de la fin de l’art ou plutôt de l’idée de la fin de l’art moderne.
Comme si nous étions des enfants éternisés qui jouent à la guerre, au sexe, à la politique, des enfants passionnels qui jouent avec toute leur puissance d’agir, de désir et de liberté. C’est là toute l’histoire, le nœud fictionnel de la nouvelle production vidéo que Tobias Madison présente au Consortium, celle de la révolte d’une bande de pré-adolescents armés jusqu’aux dents contre l’ordre et la morale des adultes. Cette dramaturgie disloquée est fondée sur la reprise du film culte du cinéaste et poète Shuji Terayama de 1971, Emperor Tomato Ketchup, étrange conte fantastique qui fit scandale à l’époque, pour ses outrances, sa sexualisation et sa satire des mouvements gauchistes maoïstes, émergeants alors au Japon. Dans cette adaptation de Madison, la question politique se déplace sur un autre terrain : l’institution éducative dans laquelle les enfants ont été formés, la structure familiale, ses logiques d’autorité et de hiérarchies.
Ce questionnement se construit par ailleurs plus souterrainement en opposition aux conventions narratives du film original. Tout comme la bande-son, réalisée en collaboration avec Stefan Tcherepnin, chaque élément de la vidéo – les acteurs, le décor, les costumes, le texte – joue une partition autonome, évoluant en dehors d’une grille ou d’un pro- gramme général. Une manière d’exclure la possibilité de constituer un récit linéaire, de s’identifier à des personnages en perpétuelle transformation, et d’écrire à nouveau l’histoire des devenirs-enfants, celle des fous et des poètes du cinéma expérimental des années 1970.
Stéphanie Moisdon


Né en 1985, Tobias Madison vit et travaille à Zurich et Los Angeles