Rémy Zaugg
DE LA MORT II, 1999-2002

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Le Consortium
Rémy Zaugg, "DE LA MORT II, 1999-2002", Exhibition view, Le Consortium, 2003.
Rémy Zaugg, "DE LA MORT II, 1999-2002", Exhibition view, Le Consortium, 2003.
Rémy Zaugg, "DE LA MORT II, 1999-2002", Exhibition view, Le Consortium, 2003.
Rémy Zaugg, "DE LA MORT II, 1999-2002", Exhibition view, Le Consortium, 2003.

Rémy Zaugg (1943, Courtenay, Suisse –  2005, Bâle, Suisse)


« L’un des choix fondamentaux du Consortium est de s’autoriser à revenir sur l’œuvre d’un artiste, comme à en accompagner les différentes manifestations y compris en dehors du champ de l’exposition.

Rémy Zaugg et On Kawara sont, parmi quelques autres, deux artistes dont le travail nous accompagne dans la durée. Publications nombreuses (citons pour mémoire l’ouvrage rétrospectif souhaité par Kawara : Whole and Parts 1964-1995 aux Presses du Réel ; annonçons la Chronologie Complète des activités de Rémy Zaugg pour 2004 chez le même éditeur), invitations dans l’espace social pour Zaugg (schéma directeur de l’Université de Bourgogne et construction de la résidence Antipodes, avec Herzog et de Meuron ; procédure Nouveaux commanditaires de la Fondation de France pour restructurer le village de Blessey à partir de la restauration de son lavoir), présences actives de leurs œuvres dans le processus d’usage de la collection du Consortium, toutes interventions de médiation qui confirment le rôle de producteur en nom collectif que veut jouer le centre d’art.

Quant à chaque nouvelle rencontre sur le terrain de l’exposition, c’est l’occasion d’une expérience toujours différente, dont la singularité est d’autant plus perceptible que l’un comme l’autre de ces artistes font vivre un cadre de forme extrêmement constant. »

RÉMY ZAUGG (né en 1943 à Courgenay, Jura) présente au Consortium/l’Usine une série d’une cinquantaine de tableaux dans une exposition intitulée De la mort 1/, 1999-2002 dont les premiers éléments avaient été montrés à Project Unlimited 2002 lors de la dernière Foire d’Art de Bâle. Cette frise s’inscrit dans la tradition des danses macabres médiévales et se souvient tout particulièrement de la fresque exécutée à Bâle en 1440 par Hans Holbein le Jeune, ainsi que de ses gravures sur le même sujet.

Disposés avec régularité sur les murs de l’Usine depuis la salle d’entrée jusque dans les deux salles latérales, les tableaux, des sérigraphies sur aluminium, déclinent sur des aplats de couleurs vives des mots en lettres rose. En français et en latin, des noms d’arbres, de plantes, de parties du corps humain écrits en caractères d’imprimerie sont rythmés çà et là par la proposition au conditionnel «et si la mort j’étais » associée seulement aux termes du corps humain : bouche, lèvres, dent, etc., proposition dont l’apparition répétée rappelle la figure du squelette dans les dessins et peintures de danses macabres propres au moyen âge, dont s’inspire cette série. Nomenclature aux allures de pharmacopée, les noms de végétaux et de minéraux et l’idée de la mort sont répétés sur des fonds colorés dont la virulence et la diversité offrent un décalage avec nos représentations de cette dernière, qui rappelle l’humour des danses macabres dessinées par Hans Holbein le Jeune, où les personnages de la société, du roi au paysan étaient confrontés à la figure dansante du squelette représentant la mort.

L’utilisation du langage est caractéristique du vocabulaire plastique de Rémy Zaugg, dont le travail s’affirme de plus en plus comme une expérience perceptive de la peinture proposée au spectateur, d’exposition en exposition. À la différence des artistes conceptuels, le langage n’est pas l’expression d’une œuvre sans objet, mais un matériau qu’il explore comme un élément à percevoir plus qu’à lire. Si la langue sert chez Zaugg un destin poétique et s’offre comme un objet de la connaissance (caractérisé par l’utilisation du latin), elle sert aussi une réflexion sur la représentation et sur la peinture. Les peintures de Zaugg offrent à percevoir la représentation picturale de représentations linguistiques, chemin vers la constitution d’une peinture abstraite et affirmation de la place active du spectateur dans l’apparition de l’œuvre. C’est ici une peinture qui se pense et s’expérimente à travers la palette variée des couleurs du fond, et par la peinture du mot comme représentation dans le tableau, à contrario de l’aspect incorporel du langage (qualité utilisée dans les œuvres de l’art conceptuel), le travail de cet artiste donne au mot une substance où il s’incarne. Les mots roses prennent place sur le plan du tableau, légèrement en relief et vibrent sur la surface colorée des aplats jaunes, verts, bleus, violets, ou bien s’effacent sur des plans roses tendres et mauves : la lecture se fait ainsi perception des mots, chaque mot se distinguant des autres suivant la couleur du fond où il se déploie et se faisant percevoir dans une vibration optique différente. Chez Rémy Zaugg, pour qui « peindre c’est percevoir et percevoir c’est peindre » comme il l’avait écrit sur l’une de ses toiles, peinture et perception sont étroitement associées. Le lieu de la perception d’une œuvre s’étendant au-delà de l’œuvre elle-même, Rémy Zaugg accorde une importance toute particulière à la mise en scène de ses expositions et à la mise en scène de la perception du spectateur. L’exposition et la peinture sont ainsi le lieu d’une nouvelle expérience perceptive. Le plan d’accrochage de la série de tableaux établi par l’artiste forme une frise dans laquelle le spectateur se trouve projeté dès l’entrée de l’exposition. Cette configuration donne à considérer chaque tableau en fonction d’un tout, l’exposition. L’exigence de cette mise en scène n’est pas moindre dans le tableau, où une attention particulière est portée à la mise en page et aux proportions.

Cette exposition est présentée de manière concomitante avec l’exposition de On Kawara au Consortium, Consciousness. Meditation. Watcher on the hills. Un dialogue s’établit entre le travail de ces deux artistes dans leur traitement du signe linguistique, dans l’utilisation du tableau et de la peinture, mais aussi, avec la présente exposition de Rémy Zaugg, dans la perception de l’existence humaine, vécu au présent de l’acte pictural par l’un et de la perception par l’autre mais toujours corrélable au passé et au futur.

Enfin, Rémy Zaugg et On Kawara sont, parmi quelques autres, deux artistes dont le travail nous accompagne dans la durée. Publications nombreuses (annonçons la Chronologie Complète des activités de Rémy Zaugg pour 2004 chez le même éditeur), invitations dans l’espace social pour Zaugg (schéma directeur de l’Université de Bourgogne et construction de la résidence Antipodes, avec Herzog et de Meuron ; procédure Nouveaux Commanditaires de la Fondation de France pour restructurer le village de Blessey à partir de la restauration de son lavoir), présences actives de leurs œuvres dans le processus d’usage de la collection du Consortium, toutes interventions de médiation qui confirment le rôle de producteur en nom collectif que veut jouer le centre d’art.