Feminine Futures
"Feminine Futures"

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Consortium Museum
Curated by Adrien Sina
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
"Feminine Futures," 2014, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum

Exposition précurseur, une première étape de Feminine Futures a lieu lors de la Biennale PERFORMA de RoseLee Goldberg à New York en 2009. Tout au long de son élaboration elle a contribué aux sections historiques de ‘Art, Lies and Videotape: Exposing Performance’ (2003) à la Tate Liverpool, ‘Traces du Sacré’ (2008) et ‘Danser sa vie’ (2011) au Centre Pompidou, ‘Futurism’ (2009) à la Tate Modern et ‘Inventing Abstraction’ (2013) au MoMA, par des transferts de connaissance, par des essais théoriques dans les publications associées ou par des prêts d’œuvres.

Feminine Futures est structurée autour d’une collection unique comprenant photographies originales, lettres manuscrites, dessins, manifestes, programmes et premières éditions. Sur 600 m2, 600 pièces seront présentées dont de nombreux inédits. Une constellation de sources pour le renouvellement des recherches sur le Futurisme français et italien, l’Abstraction, les Ballets russes, l’Expressionnisme européen et américain, ainsi que d’autres voies sans filiation de la modernité.

Figures pionnières, singulières ou oubliées
L’histoire des premières avant-gardes féminines du XXe siècle côté corps, danse ou performance se forge en toute indépendance par rapport aux courants artistiques dominants. La figure féminine sublimée, idéalisée par les fantasmes littéraires symbolistes ou au contraire hystérisée par les premières approches psychopathologiques, cède la place à un niveau d’expressivité et de liberté jamais égalé. La prise en main par les femmes de leur propre modernité et l’invention des multiples hypothèses de la Femme Future ouvrent la perspective d’un dépassement radical des disciplines plastiques en faveur d’une action avec le corps considérée comme œuvre d’art à part entière.
Ce retour à la source permet de franchir une nouvelle étape dans la recherche des prémices plurielles de la modernité dans ces zones peu explorées des actions éphémères. Nous sommes là aux origines de la performance et des pratiques pluridisciplinaires qui ont inspiré plusieurs générations d’artistes tout au long du siècle dernier jusqu’à aujourd’hui. Une filiation profonde lie ces artistes qui vivent leur expérience d’avant- garde comme une réponse aux forces originaires, enracinées dans la psychologie du désir et dans la reconstruction d’une mythologie féminine qui efface la mémoire de toutes les soumissions et leur confère ce pouvoir politique perdu qui reste encore à conquérir.
Dans les recoins des vecteurs de propagation les plus diffusés des grands mouvements artistiques peuvent se cacher des pratiques plus minoritaires, des interventions dissidentes de petite taille greffées dans le déploiement amples de plus grandes œuvres, comme un manifeste dans un autre manifeste, un isolat d’inventivité, une hétérotopie singulière dans une isotopie plus étendue. C’est le cas de cette idée radicale que
 F. T. Marinetti a rayé d’une énorme croix au crayon bleu du manuscrit
de son Manifeste du Futurisme et ainsi supprimé de sa première édition imprimée de 1909 considérée comme le point de départ du mouvement :
« Nous condamnons donc l’art en tant que réalisation, nous ne le concevons que dans un mouvement, d’ébauche. L’art c’est simplement une possibilité de conquête absolue. Pour l’artiste accomplir c’est mourir ». Ces quelques mots auraient pu bouleverser tout autrement l’histoire des avant-gardes, déboucher sur de toutes autres pratiques artistiques. C’est aussi le cas de ces mots Action Féminine avec lesquels Valentine de Saint-Point caractérise sa position en tant que seule femme dans l’organigramme de la Direction du Mouvement Futuriste alors que tous les protagonistes masculins apparaissent sous des sections artistiques paradoxalement classiques comme Poésie, Peinture, Musique et Sculpture.
À l’instar de l’idée majeure développée en 1913 dans son Manifeste de Luxure : « il faut faire de la luxure une œuvre d’art » car « la chair
crée comme l’esprit crée », l’Action Féminine annonce un projet inédit, une attitude artistique ou politique à portée plus étendue que la production d’objets exposables. L’Action Féminine se nuance du féminisme de l’époque introduisant son équivalent émancipé dans le champ de l’art, là où des stratégies de rupture et de provocation à forte visibilité sont nécessaires.

Dans sa recherche d’une généalogie renouvelée de l’histoire des actions corporelles Feminine Futures privilégie les figures fondatrices importantes mais peu connues dans toute l’étendue de leur créativité. Elle les suit depuis l’émergence de leurs premières œuvres jusqu’à la fin de leur vie. Elle privilégie aussi des œuvres peu connues voire inconnues des artistes dont le nom résonne déjà dans les esprits : Loïe Fuller (1862-1928), Isadora Duncan (1877-1927), Anna Duncan (Anna Dentzler, 1894-1980), Valentine de Saint-Point (1875-1953), Ruth St. Denis (1878-1968), Gertrude Hoffman (1871-1966),
Anna Pavlova (1881-1931), Vera Petrovna Fokina (1886-1958),
Ida Rubinstein (1888-1960), Désirée Lubowska, Milada Mladova (1921-), Roshanara (Olive Craddock, 1894-1926), Jia Ruskaja (Evgenija Borisenko, 1902-1970), Giannina Censi (1913-1995), Evan Burrows Fontaine (1898-1984), Mary Wigman (1886-1973), Gret Palucca (1902-1993), Grete Wiesenthal (1885-1970), Hedwig Hagemann, Valeska Gert (1892-1978), Vera Skoronel (1906-1932), Clotilde von Derp (1892-1974), Niddy Impekoven (1904-2002), Gisa Geert (1900-1991), Sent M’Ahesa (Else von Carlberg, 1883-1970), Katherine Cornell (1893-1974), Leni Riefenstahl (1902-2003), Tashamira (Vera Milcinovic, 1904-1995), Tilly Losch (1903-1975), Margaret Morris (1891-1980), Nini Theilade (1915-), Yvonne Georgi (1903-1975), Maja Lex (1906-1986),
Martha Graham (1894-1991), Doris Humphrey (1895-1958), Hanya Holm (1893-1992), Ruth Page (1899-1991), Myra Kinch (1904-1981), Gertrude Lippincott (1913-1996)…
Et quelques-uns de leurs partenaires intellectuels masculins :
F.T. Marinetti (1876-1944), Ricciotto Canudo (1877-1923), Vaslav Nijinsky (1890-1950), Enrico Prampolini (1894-1956), Ardengo Soffici (1879- 1964), Luigi Russolo (1885-1947), Umberto Boccioni (1882-1916),

Une autre histoire de la photographie
Une convergence exceptionnelle est née de la rencontre entre la danse, le mouvement, l’expression corporelle et la photographie. De véritables stratégies artistiques sous-tendent les procédés techniques et leurs qualités picturales spécifiques pour asseoir dans la mémoire collective des univers de création novatrice. Les pièces photographiques de Feminine Futures sont aussi un témoignage précieux de l’histoire de la photographie. Sur un siècle de mutation, du papier albuminé, des bromures d’argent ou de radium aux épreuves argentiques virées, des palettes chromatiques à chimie évolutive se développent jusqu’à l’auto-destruction de la matière visible. C’est le cas d’un exceptionnel montage photodynamique féminin et futuriste des années 1920 par Mario Castagneri, non-répertorié, chaînon manquant entre les photographies futuristes des années 1910 d’Anton Giulio Bragaglia
et celles des années 1930 d’Elio Luxardo ou de Tato.
Des sommets de maestria plastique et artistique sont atteints dans des collaborations entre chorégraphes et photographes comme Loïe Fuller avec Isaiah West Taber ou Harry C. Ellis ; Vera Fokina ou Anna Pavlova avec Hixon-Connelly ou Herman Mishkin ; Ruth St. Denis avec Otto Sarony, Lou Goodale Bigelow ou Nickolas Muray ; Isadora Duncan avec Arnold Genthe ; Anna Ludmila avec James Wallace Pondelicek ; Roshanara ou Désirée Lubowska avec Underwood & Underwood ; Mary Wigman
ou Gret Palucca avec Ursula Richter, Charlotte Rudolph, Hugo Erfurth, Hans Robertson, Siegfried Enkelmann, Albert Renger-Patzsch ou Edmund Kesting ; Tilly Losch avec Trude Fleischmann, Emil Otto Hoppé, Alexander Stewart ou George Hoyningen-Huene ; Valeska Gert avec Suse Byk ou Alexander Binder ; Ruth Page, Yvonne Georgi et Harald Kreutzberg avec Maurice Seymour ; Martha Graham avec Soichi Sunami, Barbara Morgan, Chris Alexander, Ben Pinchot ou Philippe Halsman…

Film expérimental et film de danse
L’espace de l’exposition est ponctué de projections filmiques qui relient cette première généalogie photographique aux expériences pionnières dans le champ de la performance dans les années 1970 : Isadora Duncan, Loïe Fuller, Ruth St. Denis, Rudolf von Laban, Tilly Losch (Norman Bel Geddes), Mary Wigman, Valeska Gert, Hedwig Hagemann, Jia Ruskaja, Mary Binney Montgomery (Emlen Etting), Stella Simon & Miklós Bándy, Martha Graham, Carolee Schneemann, Hannah Wilke (Jean Dupuy), Yoko Ono, ORLAN, Zofia Kulik – KwieKulik…
Adrien Sina