Karen Kilimnik
Karen Kilimnik

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Musée National du Château de Malmaison, Rueil Malmaison
Curated by Xavier Douroux
Karen Kilimnik, exhibition view Château de Malmaison, Rueil-Malmaison. Organized by le Consortium, 2016. Photo André Morin © Le Consortium
Karen Kilimnik, exhibition view Château de Malmaison, Rueil-Malmaison. Organized by le Consortium, 2016. Photo André Morin © Le Consortium
Karen Kilimnik, exhibition view Château de Malmaison, Rueil-Malmaison. Organized by le Consortium, 2016. Photo André Morin © Le Consortium
Karen Kilimnik, exhibition view Château de Malmaison, Rueil-Malmaison. Organized by le Consortium, 2016. Photo André Morin © Le Consortium
Karen Kilimnik, exhibition view Château de Malmaison, Rueil-Malmaison. Organized by le Consortium, 2016. Photo André Morin © Le Consortium
Karen Kilimnik, exhibition view Château de Malmaison, Rueil-Malmaison. Organized by le Consortium, 2016. Photo André Morin © Le Consortium
Karen Kilimnik, exhibition view Château de Malmaison, Rueil-Malmaison. Organized by le Consortium, 2016. Photo André Morin © Le Consortium
Karen Kilimnik, exhibition view Château de Malmaison, Rueil-Malmaison. Organized by le Consortium, 2016. Photo André Morin © Le Consortium

Karen Kilimnik (1955, Philadelphie, USA)


Karen Kilimnik exculta.
Les tableaux de Karen Kilimnik troublent la chronologie, affolent le temps. Karen Kilimnik déroute toute scène artistique. Quatremère de Quincy (Essai sur la nature, le but et les moyens de l’imitation dans les beaux-arts, 1823) précisait que chaque Art avait son propre temps, ce que nous pourrions dire aujourd’hui de chaque œuvre, réalisation, évènement et peut- être de beaucoup de personnes. Cet essentiel rapport au temps chez Karen Kilimnik est particulièrement insaisissable – immédiatement présent et toujours fuyant. Ne le voudrions- nous pas, l’appropriation du passé est d’abord sa désappropriation. Celle qu’effectue Karen Kilimnik est raf née — exculta disent les Latins — érudite, tissée de réminiscences multiples qui ne renvoient plus à rien et dont nous peinons, malgré le merveilleux déploiement des références visibles (demeures, paysages, portraits, prince charmant et reine éthérée, combat aérien et naval...), à xer la chronologie.

C’est sans doute pour nous, aujourd’hui, ce que Nietzsche appelait : Le Grand Style, ce qui se moque de convaincre et de plaire, une modération qui n’a pas besoin d’articles de foi extrêmes et qui repose sans témoin autour de soi, hors tout. Il n’y a là rien de grandiose, ni de monumental, absolument rien de tragique, mais bien au contraire, à l’encontre de ces travers courants, un projet de réserve et de belle tenue à la limite de la disparition, au plus loin du performatif ; ce qui circule dans les interstices de l’Art — et de son histoire (toujours inaccomplie) — par rapport à sa promesse in nie.

Une haute palissade de bois entoure le rez-de-chaussée du Château de Malmaison, un échafaudage sertit son aile droite. Un nouveau chantier d’embellissement transforme pour un long moment sa silhouette familière. Si le touriste fait la moue, l’occurrence ne saurait être désagréable à l’artiste. Dans l’atelier de Philadelphie, avec ses onctueuses huiles Williamsburg miscibles à l’eau, elle a sublimé sa façade arrière d’après une modeste reproduction ; le motif se nomme à présent The summer house of Apollon in the French countryside outside Paris, 2016. Appropriation et désappropriation — auxquelles se livre avec élégance Karen Kilimnik — trouvent place dans la temporalité de l’action, la uidité de la touche. Peindre maintenant conceptualise le motif né hier en motif nouveau-né d’aujourd’hui, à la fois empreint d’insouciance et de cette profondeur intime, à peine visitée, qui est la sienne à l’instant, précisément, où sa rêverie se concrétise. Ainsi, La Malmaison n’est plus La Malmaison, mais une autre, et pourtant toujours La Malmaison.

— Claude Darras