Alain Guiraudie
L'Almanach 23 : Alain Guiraudie

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Le Consortium
Curated by Stéphanie Moisdon
Alain Guiraudie, "L'Almanach 23", Consortium Museum, Dijon, 2023.
Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
Alain Guiraudie, "L'Almanach 23", Consortium Museum, Dijon, 2023.
Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
Alain Guiraudie, "L'Almanach 23", Consortium Museum, Dijon, 2023.
Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
Alain Guiraudie, "L'Almanach 23", Consortium Museum, Dijon, 2023.
Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
Alain Guiraudie, "L'Almanach 23", Consortium Museum, Dijon, 2023.
Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
Alain Guiraudie, "L'Almanach 23", Consortium Museum, Dijon, 2023.
Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.

Né en 1964 à Villefranche-de-Rouergue, France. Vit et travaille à Albi.


 Remerciements : galerie Crèvecœur, Paris.


Alain Guiraudie fait des films, des romans et des photographies, pas à la même vitesse, ni dans la même économie. Avec des logiques, des moyens et formats différents, des transferts aussi d’un champ à l’autre. On imagine que là où le plan du film s’arrête commence parfois un autre récit, et quand le texte n’y peut plus rien la photographie y parvient.
Mais d’un contexte à l’autre, entre les régimes de représentation et d’écriture, il s’agit bien toujours de la même chose : une histoire de désir, une utopie politique, sexuelle, esthétique ; une invention de langages qui nous fait voir des corps et des paysages exclus des grands récits, un monde périphérique que l’on penserait appauvri, déserté, en voie de disparition et qui réapparaît ailleurs, transfiguré, étrangement lumineux et repeuplé.
L’œuvre de Guiraudie entretient depuis le début un pacte aussi particulier que mystérieux avec le spectateur qui permet cette traversée fantastique, tous azimuts, avec ces autres, invisibles, indésirables, entre les zones péri-urbaines et la nature, un parking et une plage, de Hambourg à Clermont-Ferrand.

Les photographies de Guiraudie n’ont pas de sujet, encore moins de programme, elles échappent à toute tentative de saisie sociologique ou militante. Il ne s’agit pas de montrer des gens ordinaires dans des situations extraordinaires, ou même l’inverse, ce qui reviendrait à reconduire des rapports de classes, des divisions, toute cette violence bien organisée contre laquelle l’œuvre de Guiraudie s’oppose, trop conscient des risques de s’approcher du documentaire social ou d’une folklorisation de la différence.
Ces images s’engagent plus obscurément dans des zones troubles, qui font appel à l’anarchie du réel, à celle des rêves, des fantasmes, des légendes, avec autant de noirceur, de joie que de drôlerie.  
Les photographies choisies pour l’exposition du Consortium Museum ont été prises dans différents lieux, à différents moments depuis 2018. Elles ne forment pas un récit linéaire, mais une partition qui s’organise librement. Il y a parfois la tentative d’une série, rien de systématique, mais aussi des effets de répétition et des images seules. Elles existent en elles-mêmes, en dehors des films, comme émancipées des contraintes de production, de montage, de narration.
Ces photographies restituent autrement l’expérience humaine et formelle au cœur du cinéma de Guiraudie, avec d’autres modes d’intensité : la recherche patiente d’une forme dans l’obscurité, la possibilité d’un accident, le temps qu’il faut pour faire apparaître une personne. Ce qu’aucun œil humain n’est capable de saisir, la caméra l’attrape sans savoir ce que c’est et le fixe avec l’indifférence scrupuleuse d’une machine. Pour Guiraudie, créer n’est pas déformer ou inventer des personnes et des choses. C’est nouer entre des personnes et des choses qui existent et telles qu’elles existent, des rapports nouveaux. C’est se poser toujours et à nouveau une seule question : qu’est-ce que c’est, face au réel, que ce travail intermédiaire de l’imagination ?

— Stéphanie Moisdon