GaHee Park
GaHee Park

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Académie Conti
Curated by Éric Troncy
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.
GaHee Park, Académie Conti, Vosne-Romanée (FR), 2023. Photo : Rebecca Fanuele © Consortium Museum.

GaHee Park (1985, Corée du Sud). Vit et travaille à Montréal, Canada. 


Avec le soutien de Perrotin.


 

Lovers with Bird, un dessin au crayon de couleur de 20 x 15 cm réalisé par GaHee Park en 2021, offre une porte d’entrée aisée dans son œuvre. Il rappelle le célèbre Freedom From Want (1942) de Norman Rockwell — un tableau qui fait partie d’une série de quatre peintures à l’huile inspirées par le "Discours des quatre libertés" prononcé en 1941 par le Président Roosevelt. Le tableau du célèbre illustrateur américain, dont l’œuvre est toute entière dédiée à la représentation des valeurs américaines traditionnelles, et qui avant de se raviser à l’âge de 69 ans dépeignit sans relâche — y compris pendant la « grande dépression » et la Seconde Guerre mondiale — une société américaine invariablement heureuse, figure un repas familial de Thanksgiving (les personnages sont des parents et amis de l’artiste, quatre générations sont représentées), une scène domestique dans laquelle une dinde rôtie brandie par la mère de famille occupe le centre de la composition, elle-même construite devant le rideau blanc qui obstrue la fenêtre de la salle à manger. Dans la version de GaHee Park, on retrouve le rideau blanc (mais il dévoile un arrière-plan où se déploie un arbre) et l’imposante dinde rôtie. Mais la famille traditionnelle a laissé place à un couple nu et enlacé et la jeune femme semble insérer deux doigts de sa main gauche dans le croupion de la volaille un peu hébétée.

On évoque souvent, au sujet des œuvres de GaHee Park, la proximité stylistique avec le Surréalisme ou le Douanier Rousseau mais, comme bien des œuvres figuratives contemporaines, elles combinent diverses influences aussi précises qu’hétéroclites, et l’on reconnait dans le traitement des chevelures un peu de Fernand Léger, dans les aplats de couleur très légèrement modelés un peu de Alex Katz, dans l’exposition et la posture des corps un peu de Pierre Molinier, dans les personnages à deux yeux ou trois bouches un peu du Cubisme… Ses sujets sont principalement des scènes de la vie domestique mais le spectateur y est toujours placé dans la position du "voyeur" et quelque chose d’incongru s’y exprime : comme chez Genesis Belanger[1], même les fruits et les fleurs — avec une évidente préférence pour les anthuriums – de ses natures mortes (un genre pourtant bien inoffensif) semblent avoir de douteuses connotations sexuelles. Ses compositions très élaborées mettent en scène personnages et objets construisant des récits ouverts et obscurs, jamais univoques, toujours ambigus. Les aspects frivoles de l’existence, que dépeignent d’extravagantes manucures et beaucoup de verres à cocktail, encadrent ces récits empreints d’érotisme et d’inconvenance, une sorte d' "immoralisme réfléchi" qui s’oppose calmement mais fermement au "moralisme réfléchi" dont certains voudraient faire une qualité propre à l’évaluation des œuvres contemporaines. "Je considère que la valeur morale d’une œuvre fait partie de sa valeur artistique ; qu’une valeur morale positive augmente la valeur artistique, alors qu’une valeur morale négative la diminue"[2] explique ainsi avec un aplomb qui laisse pantois la philosophe Carole Talon-Hugon, témoignant à son insu d’une époque qui semble avoir perdu tout sens commun et place ses espoirs entre les mains expertes des "sensitivity readers".

Née à Séoul en 1985, GaHee Park, qui vit à Montréal, au Canada, explique : "Enfant, je dessinais beaucoup et je m’intéressais aux images qui ont trait aux corps et à la sexualité. Je faisais des dessins de couples s’embrassant et se touchant, ou de parties du corps fragmentées, et je collais ensuite les dessins entre deux feuilles blanches pour que les adultes ne les voient pas… J’imagine qu’il est courant pour des enfants ayant reçu une éducation catholique comme moi de devenir vilains et désobéissants"[3].

— Éric Troncy


[1] L’exposition "We Were Never Friends" de Genesis Belanger a été présentée au Consortium Museum du 7 juillet 2021 au 9 janvier 2022.

[2] Le Monde, 27 janvier 2023.

[3] Financial Times, "Couple up - the art of romance", February 13, 2023.


Académie Conti
3, rue de la Goillotte – 21700 Vosne-Romanée 
Ouvert tous les dimanches de 14h30 à 18h du 2 juillet au 24 septembre 2023
Entrée libre.
L'Académie Conti est un projet conjoint du Consortium Museum et du domaine de la Romanée-Conti.