Jay DeFeo
The Ripple Effect

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Consortium Museum
Curated by Franck Gautherot et Seungduk Kim
Jay DeFeo, "The Ripple Effect," 2018, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
Jay DeFeo, "The Ripple Effect," 2018, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
Jay DeFeo, "The Ripple Effect," 2018, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
Jay DeFeo, "The Ripple Effect," 2018, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
Jay DeFeo, "The Ripple Effect," 2018, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum
Jay DeFeo, "The Ripple Effect," 2018, exhibition view - photo © André Morin/Consortium Museum

Jay DeFeo (1929, Hanover, New Hampshire, USA – 1989, Oakland, Californie, USA.)


Avec: Sam Falls (1984), Rachel Harrison (1966), Wyatt Kahn (1983), Ron Nagle (1939), Gay Outlaw (1959), Tobias Pils (1971), R. H. Quaytman (1961), Ugo Rondinone (1964), Bosco Sodi (1970), Oscar Tuazon (1975)


Avec la participation de The Jay DeFeo Foundation, Berkeley, Californie
Avec le soutien de Friends of Fondation de France
En collaboration avec Aspen Art Museum, Colorado (29 juin – 28 octobre 2018)
Remerciements: Galerie Miguel Abreu, New York ; Galerie Anglim Gilbert, San Francisco ; Galerie Greene Naftali, New York ; Galerie Hannah Hoffman, Los Angeles ; Galerie Eva Presenhuber, Zürich & New York ; Galerie Carles Taché, Barcelone ; Galerie Frank Elbaz, Paris & Dallas


D’une entrée en matière laconique, la pose d’un texte, qui dirait le bien-fondé de l’exposition, se verra entourée de multiples protections.
Le titre qui apparie l’artiste californienne à d’autres artistes, plus jeunes, selon un effet démultiplié (l’effet de vague) dans un casting affiché, donne l’idée et le mode d’une exposition personnelle de groupe. Les Américains ont toujours attribué à des artistes connus, mais de succès d’estime, le statut d’artiste pour artistes fondant en cela une hiérarchie malchanceuse mais compassionnelle qui aujourd’hui peut se voir bouleversée selon l’avidité commerciale en rage. Jay DeFeo est cette femme de la baie de San Francisco qui a scruté les matières, qui a, sous prétexte d’objets quotidiens ou d’ateliers, reformulé des procédures de composition et des moyens de produire la peinture : la banalité d’un paquet de mouchoirs en papiers, d’un trépied de photographe, du feuillage du chou vert, ou d’un trou colorisé en un motif creusant sa propre dépression… Cette femme a rendu célèbre l’énigme du tableau plus grand que la porte du studio duquel il ne pourra sortir sans procéder à l’ablation du mur sur rue – donnant figure au documentaire de Bruce Conner quasi matta-clarkien. The Rose (1958-1966) est ce tableau palimpseste qui de peinture porte tous les stigmates du bas-relief pesant son poids de tous les péchés de l’histoire de l’art. L’effet de vague convoqué est le fait de onze artistes invités en retour : non de commentaires, mais de parallélismes, de récupération, non de compassion mais de confrontation méchante, de dialogue de sourd, de paroles en l’air et de dessins qui en ont tout l’air…Femmes et hommes d’Amérique tout autant qu’hommes du vieux continent, ils sont les témoins privilégiés de formes à expérimenter : Trisha Donnelly selon sa légende établie ne donnera sa langue au chat qu’à la tombée du jour, veille de l’exposition ; Sam Falls envoie photos de texture et céramiques de motifs en autant de détails que DeFeo se serait plu à centrer sur le support ; Rachel Harrison, titillée par le jeu que l’artiste de San Francisco faisait de photocopies, de collages et de photo-collages, dans ses propres références de travail, reprend le défi ; Wyatt Kahn, plie le plomb, et photographie son pied ; Ron Nagle, dont on a choisi deux céramiques conservées par la Jay DeFeo Foundation, avait été lui-même vampirisé par l’artiste ; Gay Outlaw – qui n’est pas un pseudonyme – dessine le « O » parfait, cercle de Giotto qui impressionna tant le pape Benoît XI, et pose sur le sol deux sculptures de métal ; Tobias Pils livre ici quatre très grands dessins à l’encre où la hachure le dispute au quadrillage pour tenter de cacher les figures presque graffitées mais très sexuées qui peuplent le plan derrière ; R.H. Quaytman garde le mystère mais s’en était pris à un photogramme de DeFeo dont elle gardait une forme molle, une tache à décrypter comme un pleurant capuchonné (mais toute autre interprétation est équivalente, bien sûr) ; Ugo Rondinone érige son mur de toile de jute rapiécée sur le dos dont le recto traçait à la peinture noire une manière d’empilage de briques sur toute la surface ; de presque six mètres sur trois, autoporteur, il installe cet écran sombre où accrocher nos fantasmes d’une histoire de l’art enfin décomplexée ; Bosco Sodi, mexicain du pueblo, découpe de la façade craquelée, boue séchée au soleil lourd ; Oscar Tuazon – il le fallait bien – pense à ce mur fameux de l’atelier de Jay DeFeo que l’on découpa en son temps pour en faire sortir The Rose, « A Rose is a Rose is a Rose is a Rose » inondant la surface initiale de couches et de couches et de couches au point d’en faire une légende…
—Franck Gautherot


©Stef Bloch